UNIVERS DES ETUDIANTS EN LICENCE 1 DE L\'ISAD

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cours dr aline

INTRODUCTION

 

 

Pendant longtemps l’anthropologie s’est identifiée à l’étude des sociétés « primitives ». Son image dans le large public a été associée à l’archéologie et à l’inventaire des us et coutumes des peuples exotiques. Or, malgré cette concordance entre la nature de l’objet premier de la discipline et la célébration du sentiment exotique dans la culture occidentale depuis le XVIe siècle au moins, l’anthropologie, dès sa constitution, s’est également définie un autre projet, celui de transcender les particularismes et de penser l’humanité dans son ensemble.

 

L’élément à retenir pour la définition de l’anthropologie est son projet. Malgré l’hétérogénéité théorique et les ruptures historiques que l’on constate à l’intérieur de la discipline, il a en effet toujours existé un point de vue spécifique de l’anthropologie sur le réel, un projet permanent de la discipline : celui de penser le rapport de l’unité et de la diversité de l’humanité. L’anthropologie place les différences parmi lesquelles se distinguent les sociétés et les cultures au centre de sa démarche. Elle fait appel à l’analyse comparative pour saisir sous des discontinuités observables des sociétés, des invariants propres à toute l’humanité.

 

La démarche consiste à explorer le global à partir du local par la saisie des rapports interindividuels et institutionnels, des principes d’organisation et de production, des valeurs dirigeant la vie commune. A défaut d’objets exotiques, beaucoup d’anthropologues modernes trouvent désormais des lieux d’insularité au cœur de leur pays, aussi bien dans la cité moderne que dans les refuges de traditions. A propos des sociétés qu’il étudie, l’anthropologue pose des questions du type suivant : quelle est la nature et l’origine des coutumes et des institutions ? Quelle est la façon dont l’individu vit sa culture ? Quelles significations revêtent entre groupes voisins les différences sociales et culturelles ?

 

Le point de vue comparatif demeure toujours à l’arrière-plan lorsqu’on cherche les ressemblances et différences entre groupes humains, lorsqu’on souligne les clivages entre hommes et femmes, jeunes et vieux, chef et sujets à l’intérieur d’un groupe. Soucieuse de totalité, l’anthropologie étudie l’homme sous toutes ses dimensions, en montrant comment, à l’intérieur de ce que M. Mauss appelle le phénomène social total, des éléments d’une économie par exemple ne peuvent être compris et expliqués qu’en relation avec des phénomènes politiques, religieux, parentaux, techniques, esthétiques. Chaque élément isolé prend signification de l’ensemble culturel et social dans lequel il s’insère. Le même ensemble social peut aussi être saisi par d’autres disciplines avec lesquelles l’anthropologie entre en complémentarité.

 

L’anthropologie est une discipline contrastive par excellence : elle ouvre les plus larges perspectives sur les sociétés dans leur diversité géographique et historique, en même temps qu’elle tente d’atteindre des généralisations concernant l’ensemble des comportements de l’homme en société. Le projet de l’anthropologie est d’articuler les rapports du local et du global, de penser l’autre et le même sous leurs aspects les plus divers.

 

L’anthropologie se veut plus généralisatrice que l’ethnologie. J. Copans la voit :

 

 1) comme ensemble d’idées théoriques référant aux hommes et aux œuvres, aux précurseurs, contradicteurs et successeurs menant des débats d’idées sur les groupes humains et leurs cultures ;

2) comme tradition intellectuelle et idéologique propre à une discipline ayant un mode d’appréhension du monde ;

3) comme pratique institutionnelle définissant ses objectifs, ses projets, ses idées ;

 4) comme méthode et pratique de terrain.

 

L’anthropologie sociale, incluse dans l’anthropologie générale, telle qu’elle a été surtout définie par l’Ecole Britannique, établit les lois de vie en société spécialement sous l’angle du fonctionnement des institutions sociales telles que famille et parenté, classes d’âge et organisation politique, mode de procédure légale, …

 

L’anthropologie culturelle, née aux Etats-Unis avec F. Boas, est une démarche spécifique à l’intérieur d’une discipline. Elle est concernée par le relativisme culturel, et part des techniques, des objets, des traits de comportements pour aboutir à synthétiser l’activité sociale. Une importance est accordée aux traits culturels et aux phénomènes de transmission de la culture.

 

En France, le terme d’ethnologie continue d’être en vogue, mais on tend à lui substituer celui d’anthropologie sociale et culturelle ; les qualificatifs différencient cette discipline de l’anthropologie philosophique, discours abstrait sur l’homme, et de l’anthropologie physique, qui a pour objet l’étude biologique et physique des caractères de race, d’hérédité, de nutrition, de sexe, et qui comprend l’anatomie, la physiologie et la pathologie comparée.

 

 Tenir compte du contexte historique des conditions de production d'une discipline et de son institutionnalisation est ici essentiel.

 

Née dans les années 1860, l’ethnologie revendique des précurseurs. Le grec Hérodote (Ve av.J.-C.) joue le rôle mythique de héros fondateur de l’histoire, de la géographie comparée et de l’ethnologie, lui qui après divers voyages, montre que l’organisation sociale des Egyptiens est conçue par rapport à la religion, que celle des Barbares (‘’non-Grecs’’) est dominée par l’institution de la royauté, tandis que les Grecs vivent en cités sous l’empire de la loi. Comme Tacite en tant qu’historien romain (1er après J.-C.) traite des mœurs des Germains, divers chroniqueurs chinois, persans, hindous, mais surtout arabes relatent leurs voyages dans le monde médiéval, notamment africains pour les Arabes : Ghana du XIe siècle (Al Bekri), Mali du XIVe siècle (Ibn Batuta), monde islamique du XVe siècle (Ibn Khaldoun).

 

C’est au nom du christianisme et de la différence d’avec les « sauvages » qu’à la Renaissance, les Espagnoles et les Portugais justifient leurs explorations et conquêtes du Nouveau Monde, lesquelles entraînent au XVIe siècle un remodelage des connaissances, même théologiques, et une réflexion comparative sur des sociétés non européennes, d’autant que simultanément est redécouvert l’héritage gréco-romain, est bouleversée par Copernic et Galilée la représentation de l’Univers, est battue en brèche par la Réforme une vision monolithique du monde.

 

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, le comparatisme s’accentue avec la multiplication des récits de voyages, par exemple de missionnaires chez les Indiens d’Amérique, de Bernier aux Indes, de Cook, La Perouse, Bougainville en Océanie, d’Adanson au Sénégal, etc. Même s’il s’y mêle du romanesque, du fantastique et du monstrueux, l’information documentaire est présente, que synthétisent les philosophes et encyclopédistes, Montesquieu, Voltaire, Rousseau, Helvétius, Diderot, Condorcet….En 1799 est fondée une société des « Observateurs de l’Homme » qui se propose de comparer des peuples de l’Antiquité, les peuples sauvages et les peuples indigents (sourds-muets). De Gerando écrit même un guide d’enquête en 1800 : Considération sur les diverses méthodes à suivre dans l’observation des peuples sauvages. Sociétés savantes, associations à caractère ethnologique et folklorique, musées stockant les matériaux ethnographiques se multiplient durant tout le XIXe siècle, pendant que sous l’influence des naturalistes, on ne cesse de s’interroger sur les variétés de l’espèce humaine, sur les différences de culture et sur les étapes d’un prétendu progrès universel.

 

Fin de l’esclavage mais début d’une véritable conquête coloniale du monde ! Situé dans l’histoire, le discours anthropologique n’est pas innocent. Dans une conjoncture coloniale déterminée, il est celui de l’explorateur, du missionnaire, de l’administrateur, du juriste, ce qui ne préjuge en rien de la compétence et de la perspicacité de certains d’entre eux. Il devient peu à peu celui du spécialiste au moment où s’élaborent des théories qui vont traiter différemment le problème de l’Autre, le problème du rapport entre l’unité et la diversité de l’humanité.

 

 

Bibliographie :

 

COPANS Jean, Introduction à l’ethnologie et à l’anthropologie, Editions Nathan, Paris, 1996.

KILANI Mondher, Introduction à l’anthropologie, Editions Payot Lausanne, 1996.

RIVIERE Claude, Introduction à l’anthropologie, Editions Hachette, Paris, 1995.



07/03/2013
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